Bonjour,
On ne peut pas dire que je vous aie inondé de messages sur
ce blog ces derniers temps. Ça fait plus d’un mois maintenant … Il est temps que je vous revienne.
Quelqu’un parmi vous m’a écrit : « C’est très beau
ce que tu nous racontes, mais toi dans ‘tout ça’ ? Qu’est-ce que tu
deviens ? » Donc un peu de curiosité sur mon lieu de vie, mes
occupations, les personnes avec qui je vis et travaille. Je vais essayer de l’assouvir
(en partie) dans ce message.
Tout d’abord je vais bien, et je suis heureux. L’intérêt
et l’enthousiasme que suscite le « nouveau » sont encore bien
présents et j’espère qu’ils dureront. J’essaye d’ouvrir grand mes oreilles, mes
yeux et mon cœur pour entrer dans ce monde nouveau pour moi qu’est le Tchad. Je
devrais peut-être parler de mondes au pluriel car déjà à Abéché on peut goûter
à l’atmosphère orientale et musulmane qui domine dans toute cette partie du pays,
mais aussi aux cultures du Sud du Tchad par les chrétiens de la paroisse d'Abéché que je
fréquente, au
cosmopolitisme (mais à forte dominante africaine) de la « communauté
humanitaire », sans parler bien sûr de l’univers complexe mais attachant
des camps de réfugiés soudanais dont je vous parlais dans mon premier message. Une
difficulté ? Sans doute le fait de ne pas pouvoir passer incognito. Ça me limite
parfois dans mes ballades en ville …
La ville d’Abéché est donc mon lieu de résidence principale. C'est une ville qui a grandi rapidement avec le déversement des ONG et des agences onusiennes lors de la crise des réfugiés du Darfour en 2003. Aujourd'hui la plupart d'entre elles ont quitté la ville, mais la ville en garde la trace.
La ville d’Abéché est donc mon lieu de résidence principale. C'est une ville qui a grandi rapidement avec le déversement des ONG et des agences onusiennes lors de la crise des réfugiés du Darfour en 2003. Aujourd'hui la plupart d'entre elles ont quitté la ville, mais la ville en garde la trace.
Le bureau national du JRS (qui est aussi ma maison) et que
vous découvrez ici, est situé dans l’enceinte de la paroisse catholique de la
ville.
C’est un endroit très animé chaque après-midi car on y trouve un foyer des jeunes, des terrains de sport dont profitent pas mal d’étudiants et on y entend souvent les balafons, guitares et batteries des chorales de la paroisse. Voici ce que je vois en sortant de la maison ...
... et une vue de l'église d'Abéché où se réunissent autour de 800 chrétiens chaque dimanche et qui se trouve à deux pas de la maison du JRS.
Par exemple au mois de février, nous avons tenu une réunion nationale à Abéché qui a rassemblé les différents volontaires disponibles et dont témoigne cette photo de groupe. Vous avez là un beau mélange de nationalités : argentine, burkinabé, burundaise, camerounaise, congolaise, française, ivoirienne, tchadienne … et belge. Kisito est à l’extrême gauche en chemise bleue.
Le JRS a aussi un petit bureau à N’Djamena car pas mal d’achats
pour les projets y sont faits et parce que la plupart des réunions des ONG et
des organismes internationaux s’y tiennent.
Le membre le plus emblématique du
JRS à N’Djamena est sans conteste Oumar, le chauffeur. Vous voyez qu’avec lui j’ai
trouvé mon maître en ce qui concerne la taille : on dirait un peu les Twin Towers … Quand on arrive à l’aéroport,
pas de problème pour le repérer. Pour ne rien gâcher, il se plie en quatre (ce
qui n’est pas peu dire) pour vous rendre service.
J’ai écrit qu’Abéché est mon lieu de résidence principal, mais je
devrais sans doute plutôt parler du « lieu principal de mes absences ».
En effet, j'ai une vie nomade. Depuis que je suis arrivé au Tchad le
8 janvier, je n’ai pas passé une semaine qui ne compte un aller-retour en avion.
Faites-le compte : je crois que j’ai dépassé maintenant la vingtaine de
vols. Toujours avec la même compagnie : UNHAS pour « United Nation
Humanitarian Air Service ». Un service (gratuit !) du Programme
Alimentaire Mondial (PAM) pour les organisations humanitaires.
Tous les jours ouvrables
il y a des vols entre N’Djamena et Abéché mais aussi entre Abéché et les
différents lieux où sont situés les camps de réfugiés dans l’Est du pays. C’est avec des avions d’une quinzaine de places de ce
type-ci que nous volons.
L’atterrissage et le décollage sur les pistes caillouteuses donnent
parfois l’impression de montagnes russes, mais on finit par s’y habituer.
En général, les vols sont bien remplis, on n'est pas toujours sûr d'avoir une place. Mais j’ai déjà eu l’occasion
d’avoir un avion pour moi seul. Je n'ai résisté à la tentation d'immortaliser cet instant...
Rassurez-vous. Je n’étais pas absolument seul. Il y avait
bien un pilote aux commandes !
Si je prends si souvent l’avion, c’est qu’une de mes tâches
principales comme directeur national adjoint, est l’appui et le soutien aux
équipes du JRS. C'est aussi mon rôle de prendre « en direct » connaissance de
la réalité des camps et villages où le JRS offre ses services, afin de proposer
des ajustements de nos programmes, des améliorations à la structuration de l'organisation, ou des actions pour la formation des membres du JRS.
La maison du JRS à Goz Beida dans la lumière du soir |
Ce
n’est pas toujours de tout repos, mais je vous avoue que je préfère de loin ces
visites « sur le terrain » au « travail de bureau » à
Abéché qui me voit passer le plus clair de mon temps devant un écran d’ordinateur.
En janvier et février, j’ai donc fait une première tournée des
quatre bases du JRS en y restant à chaque fois plus ou moins une semaine pour faire
connaissance des équipes et m’imprégner de la réalité.
Depuis la mi-mars, j’ai
repris mon bâton (ou plutôt mes ailes) de pèlerin, cette fois davantage pour aider les responsables dans la gestion de leurs équipes, mais
aussi pour présenter aux membres le cadre stratégique du JRS international et
les inviter à évaluer et planifier nos actions à la lumière de ce document de
référence. C’est un travail d’animation que j’apprécie.
Lors de ces visites, dans la mesure du possible, je me rends
aussi dans les camps de réfugiés ou les sites de déplacés, car c’est là que « ça
se passe vraiment ».
Pour avoir une bonne appréciation des besoins et de
la réponse que le JRS essaye d’y apporter, rien ne remplace la rencontre directe
des réfugiés, l’écoute de leurs doléances et de leurs remerciements ou encore l’observation
des interventions du JRS. Cela se passe parfois de manière plus formelle sous
forme de réunion planifiée à l’avance comme au camp des réfugiés de Goz
Amir près de Koukou, avec les directeurs des écoles des camps, quelques enseignants
et les représentants des associations de parents d’élève …
… ou bien de manière plus informelle, comme ici, où Alain et
Idris sont en conversation sur la natte avec les deux maîtres communautaires de
l’école d’Abguicheraye, un village où sont retournés récemment des familles qui
avaient été déplacées par l'insécurité en 2008.
Ces visites sur le terrain demande en général de faire un
bout de route, dans la poussière et les secousses.
Pour la plupart des déplacements vers les camps de réfugiés
et les sites de déplacés, les véhicules des ONG doivent être escortées par le
Détachement Intégré de Sécurité (DIS) de l’Armée Nationale Tchadienne, chargé du
maintien de l’ordre dans les camps de réfugiés et de la sécurité des humanitaires. Le risque le plus important est celui du banditisme : les
véhicules 4 x 4 suscitent pas mal de convoitise.
Il arrive qu'on ne sache plus très bien qui escorte qui, lorsque le « mobile » (c’est
l’expression consacrée pour parler d’un véhicule) du DIS s’ensable dans le lit
d’un oued duquel on le sortira grâce aux mains pelleteuses d'Adoum, le chauffeur, très entreprenant,
du JRS, …
… ou se retrouve bloqué dans une ornière dont il sortira
grâce au tractage du camion d’un commerçant soudanais qui se rend au marché
de Kerfi.
Les visites sur terrain sont aussi l’occasion de constater l’avancement
des travaux de constructions ou de réhabilitation de salles de classe que le
JRS entreprend, comme ici au site de déplacés de Koubigou près de Goz Beida.
Oumar et ses plus de 2 mètres, est un bon étalon de mesure.
Mais le plus délicieux de ces visites, c'est sans conteste la
vitalité et la curiosité des enfants qui parfois m’assaillent tous de la même
question « Comment tu t’appelles ? ». C’est le début d’une
communication qui passe plus par les rires amusés et les mimiques que par les quelques
mots de français qu’ils ont commencé à apprendre et les salutations en arabe que je bafouille.
Si on veut photographier les enfants, comme ici dans la cour de l’école
New Sudan du camp de Djabal près de Goz Beida, …
… il faut être très rapide, car en moins de dix secondes …
… ils sont déjà en train de dévorer l’objectif !
Si je suis dans cette région du Tchad d’abord comme membre
du JRS, j’y suis aussi comme prêtre. Or, un prêtre c’est une denrée rare par ici. La paroisse
dont le centre est Abéché est grande comme six fois la Belgique, et nous sommes
trois prêtres, tous jésuites, pour le service des communautés qui s’y trouvent
dispersées : le curé Fidèle Dollo (de République Centrafricaine) que vous
voyez sur cette photo aux côtés d’Henri Coudray, notre évêque (aussi jésuite …
et français) qui réside à Mongo, à 400 km d’ici, Kisito et moi-même.
La population de la région est composée ultra-majoritairement
de musulmans. Les chrétiens viennent en général du sud du Tchad : ils sont
ici comme fonctionnaires, enseignants, militaires, étudiants ou employés d’organisations
humanitaires.
Je suis donc régulièrement mis à contribution pour le
service pastoral – ce qui n’est pas pour me déplaire – aussi bien à la paroisse
d’Abéché lorsque j’y réside, que dans les « communautés de la
dispersion » qui sont présentes dans les différentes villes et villages où
le JRS a des équipes. Comme ils ont rarement la visite d’un prêtre, les
chrétiens de ces communautés manifestent à chaque fois beaucoup de joie à me
voir arriver. C'est l'annonce d'une célébration eucharistique attendue depuis longtemps.
C’est comme cela que je célèbrerai la semaine sainte qui
arrive avec la communauté de Koukou, et le dimanche de Pâques je me rendrai à
Goz Beida où sept jeunes adultes recevront le baptême. J’avais déjà eu l’occasion
au début du mois de février de présider à leur « appel décisif ».
Les activités ne manquent donc pas, mais je suis loin de me
sentir débordé. Il faut dire qu’ici on apprend à vivre avec l’incertitude :
« Inch’Allah », « S'il plaît à Dieu » est le mot d’ordre.
Cela permet de vivre les situations les plus problématiques avec humour.
En plus pour le
moment, le climat me traite bien. Je n'ai pas encore vu une goutte de pluie, ce qui est tout ce qu'il y a de plus normal, mais alors qu’en général les grosses chaleurs
commencent avec le mois de mars, jusqu’à présent nous avons été épargnés :
à peine une petite poussée à 41°c il y a quelques jours. Je profite donc de
chaque jour qui passe sans que nous ayons à subir les 45-50°C qu’on m’annonce,
et surtout de chaque nuit dont la relative fraîcheur me permet de dormir à
poings fermés même par pleine lune ...
Je vous souhaite déjà une heureuse fête de Pâques !
Christophe
PS : Certains m’ont demandé s’ils pouvaient
contribuer financièrement aux projets du JRS au Tchad. Aucune aide ne sera
refusée ! Vous pouvez verser vos dons au compte des « Œuvres sociales et éducatives des jésuites dans le tiers-monde »,
Rue Maurice Liétart, 31, bte 3, 1150
Bruxelles
IBAN : BE78 2100 9029 1086
BIC : GEBABEBB
Mention : "JRS-TCHAD"
Mention : "JRS-TCHAD"
Ce compte est habilité à délivrer une attestation d’exonération
fiscale pour tout don supérieur à 40€.
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